04 décembre 2025

Pour toi, pour moi... ouvriers de la Parole

 Tu t’es employé le long de tes années à porter la parole de Dieu sur les terres que l’on t’avait confiées. Tu as voulu préparer le sol où elle tomberait en cultivant la proximité, la solidarité et le dialogue. Tu as bu à la source de celles et ceux dont on louait la pénétration des choses de Dieu et la lecture renouvelée des Ecritures. Tu as essayé de transmettre ce qu’on appelle « l’intelligence de la foi » en la moulant dans un vocabulaire audible pour tes contemporains. Tu as développé les plus belles démonstrations, partagé tes plus intimes convictions, donné des exemples percutants, fouillé dans les étymologies, recontextualisé les Béatitudes, schématisé sur écran le plan du discours. Tout cela il fallait le faire et St Paul, déjà, se montrait pédagogue sur l’Acropole des dieux. Mais souviens-toi : tout langage humain qui veut parler de Dieu ne peut le faire que par allusion symbolique. Rien ni personne ne peut contenir la Vérité. En rajouter ne sert à rien! 

De même, dans ton souhait de proximité avec le divin, tu t’es extasié devant de sublimes cathédrales, tu as habillé d’or autels et tabernacles, tu as revêtu mitres, chapes et chasubles étincelantes, tu t’es gargarisé d’Alléluias prolongés. Salomon s’y était essayé, il sombra dans l’idolâtrie ! L’accumulation des symboles tue le symbole. Tu as voulu planter des arbres quand on te demandait de jeter simplement une graine !
Alors, pourquoi ces vaines querelles de langues, de postures, de gestes érigés comme des absolus préalables au don de l’Esprit Saint ? Hormis les actes sacramentels approuvés par l’Eglise, ils ne sont que traduction indigente et contingente de l’Infini Mystère. C’est lorsqu’ils en disent le moins qu’ils suggèrent le plus ! Aussi, fais-toi transparent, fais-toi oublier.

Enfin, si tu veux encore parler de Lui et que l’on te comprenne, relis la finale du chapitre 25 de l’évangile de Matthieu, envoie un message fraternel à la personne seule, soutiens discrètement le malade ou l’endeuillé, encourage à la patience le jeune révolté, prête tes oreilles à celles et ceux qui ont besoin de parler…Les pauvres de ceci ou de cela sont légion autour de toi, offre-leur ton temps et ton attention. Le ciel de leur cœur s’ouvrira, une Voix se fera entendre : « Ouvre-moi ta porte, je viens manger chez toi… » 


11 novembre 2025

Jean Claude Guillebaud

 


 Il fallait un certain courage à ce brillant journaliste, fréquentant l’intelligentsia de notre pays, au mieux  frileuse au pire sarcastique à l’approche des rives du religieux, pour publier « Urbi et Orbi » : « Comment je suis redevenu chrétien ? »(1). C’est en analysant honnêtement et sans à-priori idéologique notre modernité sécularisée que le chroniqueur du Sud-Ouest Dimanche et de l’hebdomadaire La Vie s’est aperçu qu’elle vivait encore sur les bases d’un christianisme refroidi.  Il lui fallait encore pousser plus loin ses investigations pour mesurer la révolution que cette religion avait semée dans le monde avant d’aborder la relecture contemporaine de l’Evangile. Ce travail qui l’engageait corps et âme laissait percer une pensée juste, exigeante et sans concession à la facilité.


Il n’en fallait pas tant pour que le responsable de la formation des chrétiens dans le Béarn se plonge dans toute une série d’ouvrages  que, l’ami de la vallée d’Ossau, consacrait à l’évolution de notre société et parfois à son aplatissement. Il mettait ainsi à notre portée les travaux de spécialistes qui entouraient les philosophes comme Michel Serres, René Girard, Jacques Ellul, Edgard Morin et autres analystes du monde contemporain. Personne alors ne s’étonna qu’invité à donner deux conférences à Pau,  l’écrivain charentais fasse « église comble » ! 


Cet intellectuel ne s'encombrait pas des mondanités usuelles de son milieu. De sa profession de journaliste baroudeur, correspondant de guerre pour le journal « Le Monde », il avait gardé un goût pour la fraternité et pour la simplicité. Une complicité montagnarde l’encouragea à écrire la préface du livre "L'un de vous, prêtre d'une fin de siècle" (2). Celui qui était devenu éditeur profita de cette occasion pour dire tout le bien qu'il pensait de la vie pastorale dans les Pyrénées et combien il savourait le silence retrouvé de ses randonnées. 


Voici quelques extraits de cette ode à la montagne béarnaise : « …la vallée d’Ossau est l’un des endroits d’Aquitaine que j’aime entre tous. Surtout vers la fin du printemps…Climat encore frais, fonte tardive des neiges  qui marquettent les parages des lacs de Louesque, d’Izieu ou d’Anglas…On me dira qu’il est saugrenu de s’émerveiller de la transhumance en vallée d’Ossau, au moment même où les guerres s’enlisent un peu partout…où une désespérance sociale se répand chez nous en Europe… La lente montée des moutons vers l’estive, fêtée dans les villages et conduite par des bergers patients représente l’exact contre point des folies ordinaires…Ici la lenteur prévaut au lieu et place de la hâte…Monter vers l’estive, c’est prendre de la hauteur (à tous les sens du terme) mais c’est aussi monter vers le silence. Or le silence est une devenu  une dentée rare…Et la prière n’est jamais loin… »


Au moment où Jean Claude Guillebaud,  au-delà des pics saupoudrés de la première neige, bascule maintenant dans l'éblouissement de la lumière divine, nous pensons à lui avec gratitude et nous prions pour lui et avec lui ! 
    (1) Ed Albin Michel 2007
    (2) Ed Parole et Silence 2018


05 novembre 2025

Visite en Mongolie…

« Le fou de Dieu au bout du monde »(1) est le  titre d’un livre relatant le voyage du pape François en Mongolie où ne résident que 1500 catholiques. L’auteur, Javier Cercas, écrivain espagnol collectionnant les prix littéraires se présente : « Je suis athée. Je suis anticlérical. Je suis laïc militant, un rationaliste obstiné, un impie rigoureux ». Et c’est ce « fou sans Dieu », autre appellation auto proclamée, qui, contre toute attente, reçoit un appel téléphonique du directeur des éditions vaticanes lui demandant de bien vouloir faire partie de la délégation qui accompagnera le Pape dans son périple. Une seule exigence : écrire un livre à son retour. L’écrivain hésite puis relève le défi tout en sollicitant la faveur d’un court entretien avec François. Etonné de ne lire que des comptes-rendus qui mettent exclusivement l’accent sur les retombées sociales ou politiques des discours de l’Argentin Bergolio et rattrapé par les mots de sa mère affirmant qu’elle reverra au ciel son défunt mari, il veut « interroger le pape sur la résurrection de la chair et la vie éternelle ». Deux promesses à ses yeux « scandaleuses » et néanmoins au cœur de la foi catholique. 


Nous passons par la ville éternelle dont nous finissons par connaître tous les recoins et tous les protagonistes clercs ou laïcs de cette aventure. Nous pénétrons ensuite dans l’univers du Vatican si décrié et pourtant si  méconnu. Aucun des problèmes de l’Eglise n’échappe au diagnostic de l’incroyant de service qui sait appuyer où ça  fait mal. 


Nous embarquons dans l’avion pontifical : 471 pages d’une folle cavalcade mongole dans un « mélange extravagant de chronique et d’essai et de biographie et d’autobiographie ». Une fantasia littéraire qui nous fera traverser plusieurs mondes grâce à une érudition flamboyante faisant appel à une réserve inépuisable de références bibliques, théologiques, sociologiques, politiques, poétiques, géographiques. La verve torrentielle de Cercas emporte sur son passage le cléricalisme dénoncé par François, la synodalité en  gestation, le langage incompréhensible de l’Eglise,  la théologie de la libération, les accointances du responsable des jésuites d’Argentine avec le péronisme…Cette plongée au cœur de l’Eglise nous donne droit à de véritables cours de théologie en particulier sur l’éternel affrontement entre la raison et la foi qui s’apaiserait s’il laissait une place au « sentiment » trop négligé !


Rien ni personne n’échappe au scalpel de l’« impie » sauf ces fous de Dieu que sont ces missionnaires, hommes ou femmes, immergés dans un univers totalement étrange avec un seul espoir : celui de refléter l’image du Christ frère jusqu’au bout de l’amour. Pier Luigi Maccali (2), missionnaire en Afrique enlevé pendant 2 ans par les djihadistes est cité, lui aussi, parmi ces témoins sans parole de l’absolu.  
Enfin, avec l’anticlérical revendiqué, nous pénétrons dans le monde « Bergolio », un « vrai chrétien monté sur le siège de Pierre » ce qui ne nous empêche pas de déceler ces moments cruciaux où le jésuite est passé par des remises en causes douloureuses. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette excursion aux périphéries du monde et de l’Eglise guidée par un athée, invite à la prière ! 
L’auteur réussira-t-il à approcher François pour lui poser la question  qui le hante et dont sa mère attend la réponse? Il faut lire le livre jusqu’à la fin sans perdre le souffle…


    (1) Editions Actes Sud.
    (2) Voir jeancasanave. blogspot .com sous le titre : « L’honneur des chrétiens : Pier Luigi Maccali » blog du 15/12/2022


10 octobre 2025

Marquise



« Marquise » était le nom donné à une brave chienne au pelage fauve et soyeux qui, après avoir ramené le troupeau à la ferme, avait l’habitude de venir s’étaler devant le feu de cheminée. Immanquablement, l’aïeule de la maison lui balançait un coup de savate : « Passo de quiù ! », « va-t-en ! »
« Mané, pourquoi la chasses-tu ? » s’indignait son petit fils. Et la sentence tombait sans appel : «  ù ca qu’ey ù ca » (un chien est un chien).
Etienne, familier des hautes estives, s’apprêtait à monter dans sa cabane. Après avoir équilibré la charge de son âne, il s’installait sur son dos pour affronter sans effort une longue montée.
« Mais tu vas le crever ! » lui lançait son copain pris de pitié pour la bête de somme.
-« Mon cher », lui répondait le berger, « si j’étais un âne je serais dessous et lui dessus. Il se trouve que je ne suis pas un âne, donc je suis dessus ! » Ainsi allait le monde d’avant.
Ce genre de réflexions vaudrait aujourd’hui la correctionnelle car il semblerait que l’un des problèmes majeurs des Français soit le bien-être animal. Une page dans le sérieux journal « La Croix » daté du 03 10 25, suivie par une émission TV nationale et reprise par France-Info le lendemain. Reportage et commentaires sur ces jeunes couples qui font un essai éducatif sur le chien avant de se permettre d’avoir un enfant ; sur cette jeune fille, un peu prolongée, qui a enfin trouvé son bébé qui partage tout son temps et toutes ses émotions ; sur ce couple attablé au restaurant accompagné de « Mirza » qui, après avoir consulté pour elle un nutritionniste, cale sa poussette contre la table ; l’animal flaire son menu allégé en se léchant les babines.
C’est le monde d’aujourd’hui ! Ce bien-être animal génère quelques 66,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Une pensée émue pour Raoul Follereau qui avec (seulement) le prix de deux bombardiers aurait éradiqué la lèpre en Afrique !
Quant au monde d’après, il verra certainement Médor équipé de l’IA, pousser la chaise roulante de son maître et l’amener au parc municipal rejoindre ses copains qui se raconteront le « monde d’avant ». 
Et pendant ce temps, le border collie de la bergerie voisine se régale des os jetés pour lui dans la gamelle, le gastroentérologue attendra ! Reste à savoir pourquoi la langue française a enraciné le mot « animal » sur l’âme et l’« humain » sur l’humus terreux ?
 

29 septembre 2025

Pour un prêtre africain parachuté en pays de Soule… Justin !


 D’abord, je me présente. Je suis le dernier « vicaire intermittent » du relais de Barcus, Esquiule et l’Hôpital Saint Blaise. Ne cherche pas dans le droit canon, cette fonction n’existe qu’ici ! Sachant que les Africains écoutent les anciens, je me permets de te souhaiter la bienvenue et de te partager quelques réflexions.
Quand j’ai appris que tu venais à Mauléon-Licharre pour 4 ans, j’ai pensé malicieusement qu’il te faudrait bien une première année pour t’adapter à la France, une deuxième  pour connaître le pays Basque, une troisième pour apprécier la Soule et, enfin, une quatrième pour saisir les subtilités de la Haute et de la Basse Soule !! Alors, si tu me permets ce conseil, ne perd pas ton temps à vouloir être plus basque que les basques ! Tu ne le seras jamais.
Par contre, tu vas vite t’apercevoir que  notre Eglise qui naguère fournissait prêtres et religieuses missionnaires à l’Afrique, cette Eglise est malade. Déçu par le peu de pratiquants de la messe du dimanche, un paroissien me confiait récemment son désarroi : « Ils donnent des intentions de messes à célébrer pour leurs défunts et ils n’ont même pas la politesse d’y « assister » !!! 
« Ne croyez-vous pas qu’ils sont tout simplement logiques avec eux-mêmes ? Ils ne sont pas là car ils ont perdu la Foi ! » lui ai-je répondu. « Depuis le temps de leur enfance, les références du monde ont totalement changé et ce qu’ils ont retenu de leur catéchisme ne correspond plus à leurs schémas de pensée actuels. Il leur faudrait une catéchèse pour adultes ! »
Alors, Justin, toi qui vient d’une Eglise qui a su inventer avant toutes les autres le ministère de catéchiste, pourquoi ne pas t’atteler à cette tâche. Michel et Jeannot te feront toutes les traductions et adaptations nécessaires. Tu ne trouveras pas plus qualifiés qu’eux. Mais je dois t’avertir les anciens chrétiens sont les plus difficiles à convertir car, comme ils le disent, un peu désabusés : « ils ont déjà donné… » Mais pourquoi ne pas essayer ? Tu es en terre de mission !
La Soule possède un patrimoine religieux fantastique auquel tous, chrétiens ou non, sont très attachés. Il y a là un Evangile à portée des yeux et des mains qui ne demande qu’à être feuilleté en remontant à la source des Ecritures et en l’inscrivant dans le présent. Si tu vois par hasard sur un retable une représentation de la création du monde et de l’humanité avec un Adam coiffé d’un béret, une gourde suspendue à une épaule, ne sois pas étonné. Quelqu’un te fera vite remarquer qu’Adam était évidemment basque ! Il ajoutera même que Robert et Joël, nos deux historiens, sont sur le point de prouver qu’Eve était souletine. Mais après avoir rappelé que les scientifiques pensent que les premiers humains étaient des africains, il te reviendra d’expliquer pourquoi le Credo affirme : « Je crois en Dieu, le Père tout puissant, créateur… ». D’abord Père. Créateur : oui, mais comme Père et parce que Père. Il y a plus qu’une nuance ! Et cela change tout dans notre conception de la création et de Dieu!!

22 septembre 2025

Boomer or not boomer !

 

 Il existe encore,  en France, quelques spécimens d’êtres humains qui échappent à la définition du « boomer » parce que nés un peu avant 1945. Ceux-ci étaient, par contre, en pleine possession de leurs moyens en 1975 selon les dates officielles du début et de la fin de cette « maladie », communiquées aimablement par Google. Ces individus peuvent effectivement mesurer la chance qu’ils ont eu de voir labourer les champs grâce à la traction animale, d’aller tous les jours chercher l’eau potable à la fontaine, d’accompagner leur mère au lavoir du village en poussant une brouette, de bénéficier de l’école publique « dès » l’âge de cinq ans, d’aller servir la messe au curé avant l’entrée en classe, d’enlever le béret en se mettant en rang et de clamer un sonore « Bonjour Monsieur » à l’adresse de l’instituteur qui les attendaient de pied ferme après avoir mis en place le programme de six niveaux de cours à l’aide de somptueux moyens pédagogiques : trois cartes de géographie, un poêle à bois pour réchauffer l’atmosphère allumé et alimenté par les élèves désignés, un tableau noir avec chiffon adapté et enfin un globe terrestre en couleurs. Comment ces futurs boomers ont-ils pu dans ces conditions fastueuses apprendre à lire, écrire et compter correctement ? Cela, aujourd’hui, paraît relever du miracle ! Sauf qu’additions et soustractions préparaient le futur travailleur à gérer son salaire en « bon père de famille ». Bénéficiant plus tard des 30 glorieuses et mesurant l’écart entre le niveau de vie de son enfance et celui de sa vie adulte, il s’estimerait chanceux de connaître les avancées économiques et sociales de l’Etat providence. 
Alors, oui ces femmes et ces hommes ont eu une vie riche ! Car outre l’instruction, ils ont eu droit tous les matins à une sentence de « morale », déclinée sur le tableau républicain et répétée en chœur comme le ciment d’une vie en société espérée sans violences et sans outrances. Le jeudi, l’Eglise prenait le relai en donnant au précepte humain le sceau du divin.
Nostalgie sénile d’une époque qui maintenait le citoyen dans un stade infantile! Stigmatisation outrancière des difficultés du présent ! Simplification outrageuse d’une analyse erronée ! 
Bref, que le dit boomer se réjouisse d’avoir appris à serrer les dents et les poings ou d’avoir profité du progrès qu’il a su gérer avec modération, on ne lui pardonnera rien. Sauf si, victime lui aussi de la facilité, il délie sa bourse et qu’il aide généreusement ses petits enfants ! Merci grand-mère ou grand-père ! 


21 septembre 2025

Le rural conjugué au féminin

 

 C’était le thème général du travail de l’Ifocap-Adour  (Institut de formation des cadres paysans et  acteurs de pays) pendant l’année 2025 (1). En schématisant beaucoup, on peut dire que les femmes de nos campagnes ont commencé leur « émancipation » lors de la première guerre mondiale lorsqu’il a fallu qu’elles prennent les manches de la charrue pour remplacer les hommes partis au combat. Durant la période suivante, le rôle des mouvements d’action catholique (avec la Jeunesse Agricole Catholique en particulier), a été déterminant pour aider les jeunes couples à « dé-cohabiter » c’est-à-dire à se séparer de la maison mère et cela sans casser l’outil de travail. Lors de la deuxième guerre les jeunes femmes étaient plus à même de prendre la relève des  hommes et de gérer elles-mêmes la ferme. Mais leur véritable émancipation a commencé à se manifester au grand jour autour des années 50 lorsque, d’une part, la mécanisation des travaux n’exigeait plus le primat de la force musculaire et que, d’autre part, la formation générale dispensée par les cahiers des jésuites de Toulouse, les « cours managers », les « maisons familiales » et l’éducation nationale leur donnaient l’occasion d’une formation adaptée à leur rôle futur. Tout cela a été bien décrit dans le livre de Marie Thérèse Lacombe au titre évocateur : « Pionnières » (2). Si le salaire de la femme travaillant à l’extérieur de la ferme a été avant tout perçu comme un complément nécessaire à celui de son mari agriculteur, aujourd’hui personne ne s’étonne de voir interviewée une femme berger ou viticultrice ou encore chef d’exploitation.  Par ailleurs, la « Révolution silencieuse », chère à Michel Debatisse (2), est sortie du silence et outre les décibels de tracteurs bloquant les routes et les préfectures, il n’est pas rare d’entendre la voix des femmes, participant aux manifestations syndicales, s’imposer dans les débats. Et tout ceci sans compter le nombre impressionnant d’entre elles  impliquées dans les municipalités et les associations de toutes sortes qui sont le sang de la vie rurale.

Ce simple rappel doit faire sourire les tenants d’une agriculture extensive et industrialisée pour laquelle la  profession des femmes rentre aujourd’hui dans un plan d’exploitation déterminé par les compétences acquises et les études du marché mondialisé. Autre élément qui entre de plus en plus en compte : les nouvelles formes de vie familiale qui viennent bousculer le schéma classique du couple et du foyer.

Mais celles et ceux qui ont participé aux nombreux témoignages partagés par les « actrices du monde rural » invitées par l’Institut, ont pu remarquer comment ces dames faisaient preuve à la fois de pugnacité dans des situations où elles étaient peu reconnues et de discrétion par rapport à leurs succès obtenus. Jamais elles ne s’attribuaient l’exclusivité d’une réussite, toujours, elles mettaient en avant le travail collectif et cela dans un climat d’écoute respectueuse et souriante. Serait-ce la marque, combien précieuse, de l’éternel féminin ? Sous prétexte d’égalité homme/femme qu’elles ne tombent jamais dans l’autosatisfaction bruyante et parfois méprisante de la partie masculine souvent gangrénée par la seule loi reconnue dans notre société marchande, celle de la compétition. Sans compter que ces rencontres venaient à point nommé donner du baume au cœur en ces temps de diatribes, de vociférations et de gesticulations émanant du forum médiatique inefficace du Palais Bourbon. 

(1) Adresse postale IfocapAdour 1, Place Tamon 64190 Jasses .Voir  «https:// ifocapadour.wordpress.com »
(2) Marie Thérèse Lacombe « Pionnières » ed du Rouergue 2009
Michel Debatisse « La révolution silencieuse » ed Calman- Levy 1963